Repenser la place de l’humain

Repenser la place de l’humain

Équilibrer la croissance démographique à l’échelle d’une région, offrir une alternative à l’hyper-métropolisation… tels sont les enjeux de l’aménagement durable du territoire, l’un des nombreux thèmes abordés au forum Le monde nouveau à Perpignan.

À côté de l’habitat et des transports, la nouvelle façon d’aménager le territoire est un levier majeur pour enclencher la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Les atténuations se situent bien sûr dans les villes avec des citoyens au cœur de l’urbain qui doit se réinventer pour mieux mixer les usages (habitat, travail, commerce) afin de limiter les déplacements. Mais les grandes infrastructures comme le rail mais aussi les grandes voies de communication automobile seront vitales pour irriguer encore davantage demain les territoires.

ILLUSTRATION UNSPLASH BEN WHITE

Ce réseau qui sera obligé de devenir “green” permettra notamment d’équilibrer la croissance démographique à l’échelle d’une région. Il contribuera à offrir une alternative de vie et de travail en dehors de l’hyper-métropolisation qui concentre massivement habitat et véhicules. Le prochain schéma d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de la Région Occitanie est prévu pour 2040 mais il est dès aujourd’hui ouvert à la consultation citoyenne sur le site internet du Conseil régional. Le but du SRADDET est de déterminer les grandes priorités régionales en matière d’aménagement du territoire à moyen et long termes. Il porte l’ambition de bâtir une vision d’aménagement fondée sur la “République des Territoires” afin de concrétiser le principe d’égalité de tous les territoires et de dépasser la seule logique de redistribution des métropoles vers les autres territoires.

Organiser la mobilité de manière plus vertueuse

Parmi les chapitres de travail figurent notamment l’intermodalité et le développement des transports qui passera notamment par les autoroutes bas carbone (lire ci-dessous), le rail notamment par l’hydrogène mais aussi les aéroports, les canaux et les rivières ainsi que le désenclavement des territoires ruraux.

L’objectif n’est pas de limiter la mobilité ni des citoyens ni des entreprises mais de l’organiser de manière plus vertueuse afin de réduire nettement son empreinte carbone. Dans cette ambition, la Région Occitanie jouera un rôle de facilitateur opérationnel notamment grâce à sa vision globale à l’échelle de tout le territoire : des Pyrénées à la Lozère, du Gers à l’arc méditerranéen. L’enjeu de l’aménagement du territoire donnera lieu un grand débat au sein du monde nouveau le jeudi 26 mars en présence notamment de Pierre-Jean Coulon, membre du Comité économique et social européen, de Marie Hélène Morvan déléguée à la direction environnement et développement durable d’Air France qui évoquera notamment les biocarburants et de Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics, auteur de Nos territoires brûlent.

« S’adapter au climat passe par la réduction des émissions »

Hervé Le Treut Climatologue, membre de l’Académie des Sciences et de la mise en œuvre du Comité scientifique Acclimaterra de Nouvelle Aquitaine en vue du plan pionner d’adaptation.
Hervé Le Treut Climatologue, membre de l’Académie des Sciences et de la mise en œuvre du Comité scientifique Acclimaterra de Nouvelle Aquitaine en vue du plan pionner d’adaptation. – DR

 

 

 

 

 

Comment vous êtes-vous retrouvé parmi les contributeurs du Giec ?

Grâce au travail de mon laboratoire sur la modélisation. Dès la parution du rapport de Jules Charney en 1979, on savait que les émissions de CO2 dépassaient les capacités d’absorption de l’océan ou des forêts et que nous allions vers un réchauffement.

Vous êtes le premier scientifique français à avoir lancé “l’adaptation au réchauffement climatique”. Pourquoi un tel retard ?

Parce qu’en pleine communication sur le réchauffement, se pencher sur l’adaptation c’était l’accepter : en quelque sorte une trahison. Or, le climat change vraiment, et vite. L’adaptation est donc nécessaire. Et s’il n’est pas d’adaptation possible sans réduction des émissions, l’inverse devient vrai. Pendant longtemps nous n’avons pas eu “de preuves scientifiques” mais des éléments de risques. On aurait pu appliquer le principe de précaution. Mais pour les lobbies, comme pour tous, c’était tentant de l’oublier : cela nécessite un tel bouleversement des enjeux, des pratiques, de l’organisation des filières industrielles, agricoles.

Acclimaterra est donc le premier exemple d’adaptation en France ?

Le premier je crois à se situer à l’échelle d’une région. Mais il en existe d’autres désormais tel que le Grec Sud en Paca. Il se construit différemment, en fonction des ressources locales. À Bordeaux, il y avait la chance d’avoir une université multidisciplinaire, porteuse d’un savoir de haut niveau, adaptée à la complexité du problème. 400 chercheurs seniors de Nouvelle Aquitaine ont participé à ce comité. Le rôle de la Région a été très important.

Il a donc fallu une intervention volontaire pour faire connaître ce qui attendait dans les tiroirs ?

Nous avons été amenés à mieux formaliser nos synthèses et nos messages. L’info que nous avons livrée aux décideurs était trop souvent : « Il y a un risque certain, à vous de l’apprécier. » Notre approche en Nouvelle Aquitaine est à développer dans d’autres territoires. Pourquoi pas en Occitanie ?

« L’autoroute bas carbone va changer nos déplacements »

Pierre Coppey Président de Vinci Autoroutes, directeur général adjoint de Vinc
Pierre Coppey Président de Vinci Autoroutes, directeur général adjoint de Vinc – dr

 

 

 

 

 

 

 

Vous avez lancé le concept d’autoroute bas carbone dans le Sud-Est de la France. Quel en est le principe général ?

Le programme Autoroute Bas Carbone vise à faire évoluer l’infrastructure autoroutière de façon à ce qu’elle contribue à accélérer la transformation des manières de se déplacer. L’autoroute n’étant pas simplement un mode de transport, mais une infrastructure capable d’accueillir toutes sortes de modes et d’usages, elle constitue un terrain propice au développement de toutes les formes d’éco-mobilités. Aujourd’hui, les déplacements sur autoroute représentent 20 % des émissions de carbone du secteur des transports, soit 6 % des émissions totales en France. Il y a donc là un levier significatif à actionner pour atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris, de – 40 % à horizon 2030.

Quelles sont les mesures concrètes pour diminuer l’empreinte carbone d’une autoroute ?

Les deux axes principaux sont le développement des modes de transports partagés et l’offre d’énergies décarbonées, par exemple en généralisant les bornes de recharge électrique et hydrogène sur les aires, en multipliant les voies réservées au covoiturage et aux transports collectifs, ou encore en créant des hubs multimodaux. Si l’on ajoute à cela la multiplication des dispositifs de tri et les actions de protection de la biodiversité et des milieux naturels, on comprend que l’autoroute est une infrastructure d’avenir, qui va contribuer à réaliser la transition écologique des mobilités.

Un grand chantier est en cours entre Toulouse et Narbonne pour passer à 3 voies : comment limitez-vous l’empreinte carbone ?

Outre la stimulation des nouvelles mobilités, nous diminuons également l’empreinte carbone de nos activités propres, essentiellement dans trois directions : la réduction de nos émissions de carbone, la préservation des ressources en eau, et le recyclage. Sur le chantier d’élargissement de l’A61, nous recyclons par exemple une part importante des agrégats d’enrobés des chaussées. Nous sommes également très attentifs à ce que nos maîtres d’œuvre contribuent à cet objectif de décarbonation : sur ce chantier, Eurovia utilise ainsi des biocarburants en remplacement des produits pétroliers pour alimenter sa centrale de fabrication d’enrobés.

Combien comptez-vous de passerelles pour animaux sur votre réseau ?

Le réseau Vinci Autoroutes compte aujourd’hui 152 ouvrages permettant d’assurer le passage de la faune sauvage. Et celle-ci est foisonnante, car nos mesures volontaristes de préservation ou de restauration des écosystèmes ont permis de faire des abords des autoroutes de véritables réserves de biodiversité. Les ouvrages de dernière génération sont plus efficaces que les passages à faune des années 70/80, car ils sont adaptés à l’ensemble des espèces. Sur notre réseau, près d’une cinquantaine d’entre elles les utilisent quotidiennement. Ce type d’infrastructures est systématiquement intégré dans nos projets. La plus importante autoroute en cours de construction en France, le contournement ouest de Strasbourg, long de 24 km, comporte pas moins d’un ouvrage de franchissement pour la faune tous les 200 mètres.

Conférence L’humain au cœur des territoires le 26 mars de 9 h à 10 h 30.
GIL BOUSQUET & MARTIN FERRARI